
Corzoneso, chiesa di S. Remigio
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Edifice: Corzoneso, chiesa di S. RemigioLocalisation: Confédération suisse, Tessin, Acquarossa, CorzonesoSituation géographique: Val de BlenioContexte environnemental: Proximité torrent, Proximité villageHabitat: Edifice isoléSite: Fond de vallée, VigneAltitude: 550 m
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Type d'édifice: ChapelleDédicace: s. RémiParoisse: Corzoneso (San Nazario e Celso)
Le village de Corzoneso se situe en Val de Blenio, dans le Tessin septentrional à 650 mètres d'altitude sur le flanc occidental de la vallée, tandis que l'église Saint-Rémi se trouve 100 mètres plus bas, en plaine, à la localité de Piano Corzoneso.
Corzoneso apparaît déjà comme paroisse (intitulée aux saints Nazaire et Celse) à la fin du XIIIe siècle dans le Liber notitiae Sanctorum Mediolani, et Alfonso Codaghengo envisage le détachement de la matrice « avant le XIIIe siècle » (CODAGHENGO, vol. I, p. 98). Lors de la visite pastorale de saint Charles Borromée en 1567 (D'ALESSANDRI, p. 44), l'église Saint-Rémi est à peine mentionnée. Elle apparaît en tant que « capella curata » sous le nom de San Romedio, dans un hameau constitué d'à peine trois foyers, Serozanum (en réalité Saromizum, il s'agirait d'une mauvaise transcription de Paolo d'Alessandri).
La visite de 1577 est plus riche et passe en revue les rubriques habituelles (célébrations, visitatio rerum, prescriptions), mais surtout le visiteur Bernardino Taruggi la qualifie de « antiquam et parochialem iam Cursonesi ».(A. PINI, V. PINI, 1977, p. 9-10, et surtout note 14 p. 12-13, pour l'intégralité du procès verbal de la visite de 1577).
Que Saint-Rémi ait assuré un temps la fonction d'église paroissiale expliquerait l'ampleur et le raffinement de l'édifice. Construit au XIe siècle dans des dimensions supérieures aux habitudes locales, elle avait été encore agrandie au siècle suivant par l'adjonction d'une seconde nef et de l'abside au nord dédiée à la Vierge. Cette nef annexe a été fermée sur ordre de Bernadino Tarugi en 1577, et transformée pour moitié en sacristie. La partie antérieure, avec sa minuscule abside, garde sa fonction de chapelle, mais les peintures y sont désormais illisibles.
Saint-Rémi était alors l'église principale d'une commune importante, qui par la suite a même abrité un xénodoque d'Umiliati (San Martino vidualis). La présence de cet ordre à Corzoneso suppose une activité productive et donc une prospérité supérieure à celles des communautés rurales simples. Le transfert du siège paroissial à Saint-Nazaire-et-Celse a pu être dicté par la proximité du Brenno et les épisodes d'inondation répétés.
L'intérieur de Saint-Rémi conserve de nombreuses peintures murales s'échelonnant du XIIe au XVIIe siècle.
Dans la nef nord, il reste quelques traces d'image. Le cul de four de l'absidiole, notamment, conserve une théophanie peu lisible. Ferrazzini (1938) signalait aussi dans les écoinçons de l'arc triomphal les restes d'une Annonciation et sur le mur nord, une Trinité en gloire avec saint Jean Baptiste et un ange recueillant le sang du Crucifié de la Trinité dans un calice.
C'est le corps principal du bâtiment qui abrite la majorité des images. La nef sud conserve, sur son mur nord, une Vierge à l'Enfant de la fin du XVe ou du début du XVIe siècle. Seule la moitié supérieure subsiste, la partie basse ayant été perdue lors de l'ouverture de la porte vers la nef nord.
Le mur sud de la nef accueille deux panneaux de grandes dimensions datant probablement du XIIe siècle et remarquablement conservés. L'un représente saint Nicolas, et l'autre saint Christophe, et tous deux sont l'oeuvre d'un même artiste, à la manière assez fruste et poussant dans une stylisation extrême l'art de dérivation ottonienne. On en reconnaît les échos notamment dans le visage du saint Nicolas.
Les peintures de l'abside et de l'arc triomphal ont été dégagées entre 1944 et 1946 par Tita Pozzi. L'existence d'une couche picturale antérieure à celle datée de 1600 et réalisée par l'atelier des Tarilli était déjà connue en 1938 grâce à des sondages (FERRAZZINI, 1938, l'évaluait alors au XVe siècle ; BIANCONI, 1944, p. 59-60, et note 34 p. 182, signalait que les pieds des Apôtres du XIIIe siècle affleuraient sous les fresques tarilliennes).
L'état de conservation du cycle absidial est très satisfaisant, et seule la partie supérieure de la calotte est devenue illisible. La décoration est organisée selon les deux registres habituels de la Maiestas Domini aux Apôtres, sans introduire de variation. La calotte accueille une Maiestas Domini. Le Christ en son centre porte un vêtement assez inusuel, dont on ne lit que la partie inférieure. Les quatre Vivants sortent de sous la mandorle, en position centrifuge avec la tête tournée vers le Christ. Ils sont représentés sous leur forme zoocéphale.
Les deux Vivants supérieurs, Matthieu et Jean sont très dégradés. Les Vivants sont nommés. Leurs noms sont tous alignés à la base de la calotte, dans l'ordre des Évangiles de droite à gauche, avec un mélange de capitales et d'onciales.
Le cylindre de l'abside est percé par trois fenêtres autours desquelles les Apôtres sont répartis en quatre groupes de trois. Les Douze sont quasiment tous nommés et identifiables. S'il y avait sous les Apôtres un registre inférieur peint, il n'en reste aucune trace.
L'Annonciation de l'arc triomphal, oeuvre du même peintre, est parfaitement conservée. On ne trouve à Corzoneso ni le lutrin des représentations postérieures, ni le texte de la salutation angélique.
Les piédroits ne conservent pas d'images aussi anciennes que celles de l'abside ou que l'Annonciation. Sur le piédroit gauche, la campagne de rénovation de 1945 a permis de mettre au jour un saint évêque datant du XVe siècle, assez dégradé. On voit néanmoins que son vêtement est richement décoré. Il serait normal de l'identifier avec le saint patron de l'édifice. De l'autre côté, on peut voir encore aujourd'hui, en situation, l'archange Michel peint par les Tarilli (même s'il a été détaché et reporté sur un panneau flottant).
Le registre décoratif est composé d'éléments caractéristiques du XIIIe siècle dans cette région. La frise grecque des siècles précédents a disparu. Elle est remplacée par la frise en accordéon, qui ici fait le tour du registre céleste de la calotte (présente à Rovio, Piona, Camignolo, Cademario). En haut de l'arc triomphal, on reconnaît la frise végétale typique, déjà présente à divers degrés d'élaboration à Piona (verticale, aux extrémité du collège des Apôtres), à Camignolo (séparation entre la calotte et l'abside), à Cademario (verticalement, le long des piédroits de l'arc triomphal) qu'on retrouvera quelques décennies plus tard à Saint-Ambroise de Chironico. La calligraphie aussi rapproche Corzoneso des autres sites du XIIIe siècle et notamment de Piona, avec le D en onciale à la barre rabattue quasiment à l'horizontale, le dessin travaillé et anguleux du A, et d'une manière générale, la dimension et le style des « pattes » qui ornent chaque lettre.
Ces dernières réflexions nous conduisent à la question de la datation, et à celle du style de l'artiste. Il faut d'emblée lui reconnaître une certaine capacité au dessin qu'il gâte ici par une exécution excessivement rapide (notamment sur les vêtements des Vivants). Cependant, cette manière expéditive « fonctionne » optiquement, à distance. Il s'agit donc d'un artiste qui sait ce qu'il fait et qui, même au contact immédiat de sa couche picturale, a une idée claire de l'effet qu'elle produira vue depuis la place du fidèle. On appréciera au passage sa maîtrise des couleurs : malgré l'emploi d'une gamme de teintes terreuses plutôt restreinte, il arrive à les varier et les assortir de manière très efficace.
Si iconographiquement, le peintre reproduit le programme absidial sans y introduire de grandes nouveautés, au niveau du style, il est en rupture nette avec ses prédécesseurs. Il y a dans sa peinture un abandon total de l'héritage graphique ottonien (présent à Cademario, Piona, Camignolo, Rovio etc.), mais aussi de la manière romane avec ses stylisations intellectualisantes (comme celles du saint Christophe ou du saint Nicolas sur le mur nord), au profit d'un début de retour au réalisme et à une ligne plus « fleurie », aérienne. Les visages de Apôtres, et la figure de la Vierge de l'Annonciation ont déjà une allure gothique qui annonce l'avènement proche du maître de Waltensburg.
Outre cette aspiration réaliste, l'art du peintre de l'abside de Corzoneso connaît une autre fracture avec celui de ses prédécesseurs. Il s'agit de l'irruption des attributs dans l'identification des personnages. Malgré la monotonie des poses, des visages, ou des couleurs, l'artiste charge l'image d'identifier les personnages. Elle a pour mission de renseigner le spectateur, de l'aider à lire ils sont quatre Apôtres à porter un objet qui les distingue à Saint-Rémi. Ceci témoigne d'une conception moderne, où l'image se tourne vers le fidèle-spectateur, plus que vers sa propre intériorité discursive, et où la forme peinte désormais parle plus qu'elle ne contient. Cette combinaison de tentation tridimensionnelle, et cette volonté de faire parler l'image pourrait conduire à retarder l'estimation fin XIIIe siècle de quelques décennies, jusqu'au début du XIVe siècle.
Le programme absidial avait été recouvert par un programme identique, réalisé par l'atelier des Tarilli en 1600. Ces peintures murales détachées se trouvent exposées sur des panneaux accrochés au mur sud (les Évangélistes de la théophanie), et ouest (le Père de la théophanie, les douze Apôtres). Cette rénovation trouve sans doute son origine lors de la visite pastorale de 1577, alors que Bernardino Taruggi observait le mauvais état de l'antique couche picturale : "Picture cappelle sunt omnino corrose et deformate", et ordonnait : "si rinfeschino le figure deformate dal'humido". La population de Corzoneso a probablement pris au pied de la lettre la requête du visiteur et a demandé un « rafraîchissement » de son programme absidial, ce que l'atelier, familier de la pratique, leur a fourni (voir Bigini, 2010, vol. 1 p. 423-424, et vol. 2 p. 68-69)
Les traces de cierges visibles entre les Apôtres, à hauteur des jambes, parfois de la taille jusqu'aux talons indiquent l'usage de l'apostolare, rituel destiné à assurer une heureuse issue aux femmes enceintes. Le nouveau né prenait le nom de l'apôtre dont le cierge s'était éteint en dernier. La pratique a perduré jusqu'au XVIIe siècle à en juger par les traces qui subsistent sur la couche picturale de 1600.
Atti di San Carlo (édition P. D'ALESSANDRI, Locarno, Pedrazzini, 1999, p. 44)
Ferrazzini, 1938, p. 75-77 ; Codaghengo, 1941, vol. 1, p. 98 ; Bianconi, 1944, p. 57-60, 182 ; Bianconi, 1948, p. 68 ; Gilardoni, 1967, p. 308-318 ; Pini, Pini, 1977 ; Anderes, 1998, p. 70 ; Bigini, 2010, vol. 2, p. 61-69